Alain Désiré Foka : parcours médiatique, repositionnement éditorial et enjeux de crédibilité

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Lé célèbre journaliste Alain FOKA

Alain Désiré Foka : parcours médiatique, repositionnement éditorial et enjeux de crédibilité

Alain Désiré Foka, né le 22 juillet 1964 à Douala, est un journaliste, producteur et vidéaste web camerounais. Il a exercé au sein de Radio France Internationale (RFI) de 1994 à 2023, où il est devenu l’une des figures africaines les plus identifiables du média, aux côtés notamment de Claudy Siar.

Au cours de cette période, il a créé et animé des émissions telles que Les Archives d’Afrique, consacrée à la relecture de l’histoire africaine, et Le Débat africain, espace d’échanges politiques réunissant responsables institutionnels, intellectuels et chefs d’État africains. Ces programmes ont contribué à sa notoriété et à son influence auprès d’un large public africain francophone.

Pendant près de trente ans, Alain Foka a ainsi évolué au sein d’un média public français, financé par l’État français et inscrit dans une politique globale de diffusion internationale de l’information.


Le départ de RFI et l’affirmation d’une autonomie éditoriale

Le 17 octobre 2023, Alain Foka annonce son départ de RFI. Il justifie cette décision par la volonté de gagner en autonomie et de se consacrer davantage à des projets qu’il présente comme orientés vers la renaissance africaine, la transmission des savoirs et la critique du néocolonialisme.

À partir de ce moment, il initie de nouveaux formats et développe des contenus mettant davantage en avant des perspectives africaines endogènes, tout en critiquant plus ouvertement les relations asymétriques entre l’Afrique et les puissances occidentales.

Ce changement intervient dans un contexte particulier : celui d’une défiance croissante d’une partie des opinions publiques africaines à l’égard des médias internationaux français, accusés de partialité ou de déconnexion avec les réalités locales.


Un contexte panafricaniste en mutation depuis les années 2010

Depuis le début des années 2010, l’espace politique et médiatique africain est marqué par une montée visible des discours souverainistes et panafricanistes. Cette évolution s’est accompagnée :

  • d’une remise en cause de la présence militaire étrangère,

  • d’un rejet plus affirmé de certains mécanismes économiques hérités de la période postcoloniale,

  • et d’une critique accrue des médias occidentaux diffusant vers l’Afrique.

Des chaînes panafricanistes telles que Afrique Média ont joué un rôle précurseur dans cette dynamique, en développant dès les années 2000 un discours critique radical, souvent en marge des grands circuits médiatiques internationaux. Ce positionnement leur a valu une visibilité importante, mais aussi des controverses, des restrictions et une forte polarisation de l’opinion.

C’est dans cet environnement déjà transformé qu’intervient le repositionnement éditorial d’Alain Foka.


Adaptation progressive du discours et limites structurelles

Avant son départ de RFI, Alain Foka avait déjà amorcé une évolution dans ses contenus, en abordant des thématiques plus sensibles et en invitant des acteurs politiques ou intellectuels critiques de la Françafrique. Toutefois, ces évolutions s’inscrivaient toujours dans le cadre éditorial d’un média public français, avec les contraintes institutionnelles que cela implique.

Cette situation soulève une question centrale, non polémique mais analytique :
jusqu’où un journaliste peut-il pousser un discours de rupture lorsqu’il exerce au sein d’un média d’État étranger ?

La longévité de Foka à RFI peut être interprétée de deux manières non exclusives :

  • soit comme une capacité à faire évoluer progressivement le discours de l’intérieur,

  • soit comme une adaptation à des limites structurelles ne permettant pas une remise en cause frontale de certains intérêts géopolitiques.


MANSSAH et AFO Media : continuité ou changement de paradigme ?

Après son départ de RFI, Alain Foka lance le projet MANSSAH, présenté comme un outil de réflexion stratégique et de production intellectuelle au service de l’Afrique. Il crée également AFO Media, son propre média, se positionnant dans l’espace panafricaniste contemporain.

Ces initiatives s’inscrivent dans un moment où le panafricanisme bénéficie d’une forte audience, notamment sur les réseaux sociaux, et où les contenus souverainistes rencontrent un écho important auprès de la jeunesse africaine.

D’un point de vue analytique, cela pose une interrogation légitime :
s’agit-il d’une rupture idéologique profonde ou d’une reconversion cohérente avec l’évolution du marché médiatique africain ?

Ces deux lectures ne sont pas nécessairement contradictoires.


Le rôle des élites médiatiques africaines

Alain Foka appartient à une génération d’élites africaines formées et reconnues dans des institutions occidentales, qui cherchent aujourd’hui à redéfinir leur positionnement dans un monde multipolaire. Cette élite joue un rôle ambivalent :

  • elle dispose d’une expertise médiatique et d’une crédibilité internationale,

  • mais elle reste parfois perçue comme tardive ou prudente dans ses prises de position.

Dans les dynamiques de transformation politique et culturelle africaines, ces profils peuvent constituer soit des passeurs, soit des freins, selon leur capacité à dépasser les cadres qui ont façonné leur trajectoire.


L’Afrique face à un choix historique

Depuis les indépendances, de nombreux projets de souveraineté africaine ont été entravés par des facteurs internes et externes, notamment par l’élimination ou la marginalisation de dirigeants porteurs de visions autonomes, souvent avec la complicité d’élites locales.

Aujourd’hui, les sociétés africaines expriment une demande accrue de cohérence, de souveraineté et de responsabilité, y compris à l’égard de leurs intellectuels et leaders d’opinion.

 

Le parcours d’Alain Foka illustre les tensions actuelles entre continuité et rupture dans le champ médiatique africain. Son repositionnement récent soulève des questions légitimes sur le rôle des médias, la temporalité des engagements et la crédibilité des discours souverainistes portés par d’anciens acteurs du système dominant.

 

La rédaction.

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