Mauritanie - Il était une fois le Jaguar - une méthode de torture utilisée entre 1985 et 1991

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Description

Le « Jaguar » : quand une danse devient l’emblème d’un système de torture d’État

Il y a des mots qui, dans une société, devraient rester associés à la fête, au mouvement, au rythme. Le Jaguar, ailleurs perçu comme une danse ou un symbole de grâce féline, a été en Mauritanie détourné pour désigner l’une des pires techniques de torture de l’histoire contemporaine du pays.
Pendant les années 1986-1991, ce mot est devenu le synonyme d’un crime d’État, d’un supplice méthodiquement administré sur des milliers de Mauritaniens noirs, civils et militaires.

Une torture normalisée dans les commissariats et les brigades

Dans les commissariats, les brigades de gendarmerie et les lieux de détention improvisés, le Jaguar n’était pas une exception : il était presque une procédure.
À chaque arrestation, les mêmes scènes se répétaient : insultes racistes, privation de sommeil, coups, et presque systématiquement, le Jaguar.
Le pays vivait sous un régime où la douleur était devenue un instrument administratif, et la torture une langue parlée couramment par ceux qui avaient pour mission officielle de maintenir l’ordre.

La machine du Jaguar

La mécanique du supplice était d’une simplicité diabolique :
on attachait pieds et poignets, on plaçait un bâton au niveau des genoux, puis on suspendait la victime entre deux supports.
Dans cette position, elle pouvait être tournée, comme un objet, comme une bête destinées à l’abattage.
Les bourreaux visaient les talons, les côtes, la tête. Ils frappaient jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la mutilation, jusqu’à l’aveu forcé.
C’était une torture conçue pour déshumaniser, pour réduire un homme à un corps souffrant, privé de dignité.

La barbarie du piment dans les yeux

Mais le Jaguar n’était qu’un élément du répertoire.
Comme en témoigne Mohamed Elhabib Sow, chercheur à l’Institut des Langues Nationales, certains tortionnaires versaient du piment dans les yeux des détenus pour accélérer les aveux.
Quiconque a déjà approché du piment sait la brûlure qu’il provoque.
Imaginez-le versé directement dans l’œil d’un homme attaché, privé d’eau, incapable de se défendre.
C’était une méthode de terreur pure, une manière de dire au détenu : « Tu n’as aucun droit, même pas celui de voir. »

Un système, pas des dérapages

Ce qui choque le plus aujourd’hui encore, ce n’est pas seulement l’existence du Jaguar, mais sa systématisation.
Il ne s’agissait pas de dérapages ou d’initiatives isolées.
La torture, durant ces années, était un procédé d’État, une politique officieuse mais organisée, tolérée, enseignée et exécutée par la chaîne hiérarchique.

Pendant que des centaines d’intellectuels, d’étudiants, de paysans, de soldats noirs étaient suppliciés, les institutions, elles, gardaient le silence.
Certains tortionnaires ont été promus, d’autres décorés.
Leurs victimes, elles, vivent encore aujourd’hui avec les séquelles physiques, la honte imposée, la mémoire fracturée.

La vérité attend encore son heure

Trente ans plus tard, le Jaguar n’a toujours pas trouvé sa place dans les manuels d’histoire ni dans les tribunaux.
Il circule dans les récits familiaux, dans la voix tremblante d’un survivant, dans les souvenirs d’un oncle, d’un frère ou d’un voisin arrêté en 1986 ou en 1991.
C’est là que la mémoire survit : dans l’absence de justice.

La Mauritanie ne pourra pas prétendre à la réconciliation tant qu’elle continuera d’ignorer ceux qu’elle a torturés, tant qu’elle continuera de protéger ceux qui ont torturé.
Le Jaguar est plus qu’un crime : il est une preuve.
La preuve qu’un État peut choisir de détruire une partie de ses citoyens, et la preuve qu’un pays peut choisir, un jour, de réparer.

Mais pour cela, il faut commencer par dire les choses.
L’histoire ne guérira jamais si elle n’est pas racontée.
Et ce qui s’est passé entre 1986 et 1991 n’était pas une danse, mais une descente aux enfers.
Dia Daouda Moussa 

« الجاغوار »: حين تتحوّل رقصة إلى رمز للتعذيب الرسمي

هناك كلمات كان ينبغي أن تبقى مرتبطة بالفرح والحركة والإيقاع. لكن كلمة "الجاغوار"، التي تشير في ثقافات أخرى إلى رقصة أو إلى حيوان نبيل، تحوّلت في موريتانيا إلى أحد أسوأ أساليب التعذيب خلال السنوات 1986-1991.
أصبح هذا المصطلح مرادفًا لجريمة دولة، ولعذاب كان يُنفَّذ منهجيًا على آلاف الموريتانيين السود، من مدنيين وعسكريين.

تعذيب مُقنّن داخل المفوضيات والكتائب

في المفوضيات وكتائب الدرك ومراكز الاحتجاز غير الرسمية، لم يكن "الجاغوار" حالة استثنائية بل كان أشبه بإجراء ثابت.
عند كل اعتقال، تتكرر المشاهد نفسها: إهانات عنصرية، حرمان من النوم، ضرب، وغالبًا تنفيذ الجاغوار.
لقد عاش البلد في ظل نظام جعل الألم أداة إدارية، وجعل التعذيب لغة يتقنها من يفترض بهم حماية النظام العام.

آلية الجاغوار

كان هذا العذاب يقوم على تقنية بسيطة لكنها شيطانية:
يُربط الكاحلان والمعصمان بإحكام، ثم يُوضع عود خشبي عند مستوى الركبتين، وبعدها تُعلّق الضحية بين دعامتين.
في هذه الوضعية يمكن تدوير الجسد كما لو كان شيئًا، أو كحيوان يستعدون لذبحه.
يستهدف الجلادون الكعبين والضلوع والرأس، ويضربون بلا توقف، حتى الإغماء أو الاعتراف القسري.
كان هذا التعذيب مصممًا لـ نزع إنسانية الضحية وتحويله إلى جسد متألم بلا كرامة.

وضع الفلفل في العينين: مستوى آخر من البربرية

ولكن الجاغوار لم يكن الوسيلة الوحيدة.
فكما يشهد محمد الحبيب سو، الباحث في معهد اللغات الوطنية، كان بعض الجلادين يسكبون الفلفل الحار في أعين المحتجزين لإجبارهم على الاعتراف بسرعة.
يكفي أن يقترب الإنسان من الفلفل ليدرك ما يُسببه من حرقة.
فكيف إذا صُبّ مباشرة في عين رجل مقيد، محروم من الماء، لا يستطيع الدفاع عن نفسه؟
كانت هذه طريقة لإرهاب الضحية، ولإرسال رسالة واضحة: « ليس لك أي حق، حتى حق النظر. »

نظام كامل… لا مجرد تجاوزات

ما يزال أكثر ما يثير الصدمة حتى اليوم ليس وجود الجاغوار بحد ذاته، بل تعميمه.
لم تكن تلك ممارسات فردية أو أخطاء معزولة، بل كانت سياسة دولة غير معلنة، منظّمة ومُدرَّسة ومنفَّذة بتوجيهات من الهرم الأمني.

في الوقت الذي كان يُعذَّب فيه مئات المثقفين والطلاب والفلاحين والجنود السود، كانت المؤسسات صامتة.
بعض الجلادين تمت ترقيتهم، وبعضهم مُنح أوسمة، أما الضحايا فما زالوا حتى اليوم يحملون آثار الألم، والعار المفروض، وذاكرة ممزقة.

الحقيقة ما زالت تنتظر

بعد أكثر من ثلاثة عقود، لم يجد "الجاغوار" مكانه لا في كتب التاريخ ولا في ساحات القضاء.
إنه يعيش في الروايات العائلية، في صوت ناجٍ يرتجف، في ذاكرة عمّ أو أخ أو جار اعتُقل سنة 1986 أو 1991.
هناك فقط تستمر الذاكرة، في غياب العدالة.

لا يمكن لموريتانيا أن تدّعي المصالحة ما دامت تتجاهل من عُذّبوا، وتحمي من عذّبوا.
الجاغوار ليس مجرد جريمة؛ إنه دليل.
دليل على أن الدولة يمكن أن تختار تدمير جزء من مواطنيها، ودليل أيضًا على أن البلد يستطيع في يوم ما أن يُصلح ما يمكن إصلاحه.

ولكن البداية تكون بقول الحقيقة.
فالذاكرة لا تلتئم إذا لم تُروَ.
وما حدث بين 1986 و1991 لم يكن رقصة… بل كان سقوطًا في الجحيم.
جا داوودا موسي

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