Franklin Nyamsi : AKA le “professeur panafricain qui mange à tous les râteliers”
Entre influence, controverses et ambiguïtés idéologiques
Depuis qu’il a annoncé sa participation officielle au 9ᵉ Congrès panafricain, organisé le 8 décembre 2025 à Lomé sous l’égide du ministère togolais des Affaires étrangères, le passé controversé de Franklin Nyamsi wa Kamerun wa Africa refait surface.
Qui est Franklin Nyamsi ?
Né le 31 mars 1972 au Cameroun, Franklin Rodrigue Nyamsi est agrégé de philosophie, docteur de l’Université Charles-de-Gaulle Lille 3, et citoyen français.
Son influence repose principalement sur :
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ses conférences très suivies,
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ses interventions intempestives dans le débat public africain,
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sa présence massive sur YouTube, Facebook et X,
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sa capacité à mobiliser une audience jeune, politisée et réceptive au discours panafricaniste.
Auteur prolifique, il publie des essais qui revisitent les relations Afrique–Occident, les systèmes politiques africains et la place de la jeunesse dans les dynamiques de souveraineté.
Comment est-il passé de “pro-Françafrique” à “panafricain” ?
La trajectoire de Nyamsi est marquée par une évolution – certains diront un repositionnement – idéologique.
Ce glissement nourrit une critique récurrente : pour ses adversaires, Nyamsi incarne la figure de l’intellectuel opportuniste, capable de changer d’orientation politique au gré des alliances. Ses partisans, eux, y voient le parcours logique d’un penseur qui révise ses positions à mesure que les régimes africains révèlent leur nature.
2009–2011 : l’émergence du néo-panafricanisme
Franklyn Nyamsi entre réellement dans l’espace public numérique à partir de 2010, alors que le continent traverse l’une des périodes les plus charnières du début du XXIᵉ siècle.
1. La crise ivoirienne (2010–2011)
La guerre post-électorale entre Gbagbo et Ouattara provoque un traumatisme collectif et suscite un vaste rejet des ingérences étrangères. Elle politise une génération entière.
2. L’assassinat de Mouammar Kadhafi (2011)
Vu comme un symbole de souveraineté continentale, sa chute alimente l’idée que les dirigeants africains trop autonomes sont écrasés par l’ordre international.
3. Le retour polémique du discours de Dakar (2007)
La fameuse phrase « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire » réémerge massivement avec les réseaux sociaux, catalysant un rejet culturel profond de la tutelle française.
Entre 2009 et 2011, une nouvelle conscience africaine éclot :
À cette époque, Franklin Nyamsi est encore inconnu du grand public, loin derrière des figures comme Kemi Seba, Nicolas Agbohou ou encore des journalistes populaires tels qu’Alain Foka.
Mais son talent oratoire et son aisance conceptuelle lui permettent, dès 2015–2017, de capitaliser sur ce nouvel élan panafricaniste. Il devient alors l’un des communicateurs politiques les plus visibles de la diaspora.
Un maître de la communication… mais un personnage ambigu
Franklin Nyamsi est reconnu pour sa pédagogie, sa verve et son éloquence. Beaucoup le considèrent comme un communicateur hors pair, capable de populariser des concepts philosophiques complexes.
Cependant, la jeunesse panafricaine lui reproche souvent :
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sa proximité passée avec des dirigeants associés à la Françafrique,
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ses alliances changeantes,
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une posture perçue comme fluctuante selon les intérêts du moment,
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un rapport parfois trop conciliant avec certains régimes africains critiqués.
Ainsi naît la formule, devenue virale :
Nyamsi au 9ᵉ Congrès panafricain de Lomé (2025)
Un choix qui ravive les critiques
Le 8 décembre 2025, l’arrivée de Nyamsi à Lomé pour représenter une composante du panafricanisme lors du congrès officiel de l’Union africaine provoque un tollé.
Beaucoup de jeunes Africains dénoncent :
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l’organisation du congrès dans un État accusé de gouvernance autoritaire ;
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la présence de Nyamsi, vu par ses adversaires comme un “intellectuel à gages” ;
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ce qu’ils perçoivent comme une tentative de récupération institutionnelle d’un mouvement populaire devenu trop radical.
Pendant que Kemi Seba et Nathalie Yamb déclinent publiquement l’invitation du ministre des Affaires étrangères togolais, le Prof. Robert Dussey, Nyamsi choisit d’y participer, assumant sa ligne :
participer pour transformer le système de l’intérieur.
Mais ses opposants interprètent ce choix comme une nouvelle preuve de son “double jeu”.
Nyamsi peut-il redevenir crédible auprès de la jeunesse panafricaine ?
Le professeur conserve une base solide, notamment chez ceux qui saluent :
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son opposition constante à Paul Biya au Cameroun,
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sa défense du débat intellectuel,
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son engagement pour l’alternance en Afrique.
Cependant, le néo-panafricanisme 2020–2030 est devenu :
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plus radical,
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moins tolérant envers les compromis politiques,
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farouchement méfiant envers tout intellectuel jugé proche de l’Occident ou des régimes autoritaires.
L’époque où un penseur pouvait concilier popularité numérique et proximité avec les appareils d’État semble révolue.
En réalité, Nyamsi se trouve à la croisée des chemins :
Continuer une ligne institutionnelle et dialoguiste, au risque de perdre définitivement la base panafricaine radicale.
Ou embrasser un panafricanisme plus cohérent et assumé, aligné sur la demande d’authenticité de la jeunesse.
Nyamsi devra choisir son camp
À l’heure où le panafricanisme se redéfinit à grande vitesse, chaque figure publique est obligée de clarifier sa position.
Pour beaucoup de jeunes Africains, la question est simple :
Nyamsi parle-t-il pour l’Afrique ou pour ceux qui l’invitent ?
La réponse — et son avenir politique — dépendront des choix qu’il fera maintenant.
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