Daniel Ona Ondo: «Une bonne gestion de nos devises peut nous dispenser de la garantie du Trésor français»

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La gestion des devises selon Daniel Ona Ondo

Les six pays de la zone CFA d'Afrique centrale sont désormais capables de se dispenser de la garantie du Trésor français et de rapatrier toutes leurs réserves de change, comme l'ont fait récemment les huit pays de la zone CFA d'Afrique de l'Ouest. C'est ce qu'affirme le Gabonais Ona Ondo Daniel, qui préside depuis plus de cinq ans la commission de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale). À la veille du sommet des six chefs d'États de la CEMAC, jeudi 16 mars à Yaoundé, l'ancien Premier ministre répond aux questions de Christophe Boisbouvier.


RFI : Ona Ondo Daniel, l’une des priorités de la Cemac, c’est de favoriser l’intégration économique entre vos six pays. De ce point de vue, quel est votre bilan ?

Ona Ondo Daniel : Je crois que, dans la tradition de ma tribu, on ne fait jamais le bilan parce qu’on ne se glorifie pas. Mais qu’à cela ne tienne, la première réussite que nous avons, c’est la libre circulation des personnes et des biens. Vous savez qu’on disait qu’il y avait une réticence des pays à faire un passeport biométrique Cemac. Je peux vous dire qu’aujourd’hui les six pays ont des passeports biométriques Cemac. Nous avons ensuite essayé de relancer le programme économique et régional, ce qui a été fait. La bourse des valeurs a été modifiée. Vous savez, il y avait une bourse des valeurs à Libreville, et une à Douala. Aujourd’hui, les bourses sont unifiées. Donc je pense que ce sont des actions qui vont dans le cadre de l’intégration. La libre circulation est importante. C’est vrai que ce n’est pas le nirvana de circuler en Afrique centrale. Le commerce interafricain en Afrique centrale est encore faible – moins de 5% –, mais on a fait des efforts pour faire en sorte que la libre circulation soit effective dans les principaux corridors de notre région.

Oui, mais que répondez-vous à ceux qui disent que rien n’a été fait sur le plan de l’interconnexion routière entre vos six pays ?

Des efforts sont faits. Vous savez, Paris ne s’est pas fait en un jour. Il ne peut en être autrement pour l’Afrique centrale. Les infrastructures routières, dans le portefeuille des projets intégrateurs que nous avons faits à Paris, il y a des corridors qui ont eu des financements importants. Le corridor entre Yaoundé et N’Djamena et d’autres corridors entre le Cameroun et Brazzaville, un corridor entre Libreville et Brazzaville. Donc, on est en train de construire une intégration sous-régionale. On ne peut pas faire des routes en un claquement de doigts. Ce sont des choses qui se font avec du temps.

Et l’interconnexion électrique entre vos six pays, ça ne marche pas encore…

On est en train de faire l’interconnexion électrique. Vous savez, nous avons eu des financements importants de la Banque mondiale pour interconnecter le Cameroun et le Tchad. Et au niveau de l’Afrique centrale, entre le Gabon et la Guinée équatoriale, nous avons travaillé avec le pôle énergétique d’Afrique centrale, qui est l’interconnexion entre la Guinée équatoriale et le Gabon, entre Mongomo et Oyem, entre Ebebiyín et Bitam, et entre Akurenam et Médouneu.

À l’heure actuelle, la monnaie commune de la Cemac, c’est le franc CFA. À la différence de la sous-région d’Afrique de l’Ouest, l’Uemoa, il y a toujours des réserves de change de francs CFA auprès de la Banque de France. Quand est-ce que vous allez réformer votre franc pour que ces réserves soient rapatriées dans la sous-région ?

Les chefs d’État ont donné mandat à la commission de la Cemac et à la Banque des États d’Afrique centrale, donc au gouverneur, de faire des propositions sur les réformes de la coopération entre la France et les pays d’Afrique centrale. Nous avons fait des propositions qui ont été présentées aux chefs d’État, et à la prochaine conférence des chefs d’État, ceux-ci vont encore examiner ces propositions. Mais pour l’heure, le compte d’opérations effectivement est toujours au niveau du Trésor français. Mais, à terme, je crois que c’est parmi les points de réforme qui sont envisagés. Battre la monnaie est un problème de souveraineté, je crois qu’à terme, nous allons disposer de nos réserves comme nous le souhaitons.

Est-ce que votre organisation monétaire est assez solide pour pouvoir rapatrier toutes les réserves de change dans la sous-région, et pouvoir vous passer de la Banque de France ? 

Vous savez, c’est une bonne question. Il y a des pays qui sont plus petits qui ont une monnaie. Donc, je vous dis, battre la monnaie, c’est un problème de souveraineté, c’est à nous d’en décider. Si nous disons que nous voulons avoir nos réserves de change et nous passer de la Banque de France, on peut le faire. Mais il y a une chose que je veux vous dire : le compte d’opérations, c’est quoi ? C’est une garantie de la France. Cette garantie, d’après les économistes, n’a pas beaucoup joué. Donc, cela garantit que, si jamais le compte d’opérations est débiteur, la France nous donne la possibilité de pouvoir importer. Mais dans le cas d’espèce, cette garantie n’a pas beaucoup joué. Donc je pense que, si nous faisons une bonne gestion de nos devises, nous pouvons effectivement assumer cette responsabilité. C’est d’autant plus vrai qu’en Afrique de l’Ouest, ils gèrent leur devise et, à ma connaissance, il n’y a pas eu de problèmes jusqu’à présent.

Depuis un an, la Centrafrique a adopté une nouvelle monnaie, le bitcoin, qui est une cryptomonnaie. Or, dans vos statuts, il est prévu que le franc CFA est la monnaie unique pour tous les États membres de la Cemac. Est-ce que la cohabitation est possible entre le bitcoin et le franc CFA ?

Je peux vous dire une chose : ce dossier est inscrit à l’ordre du jour de la conférence des chefs d’État. C’est vrai que le problème de battre la monnaie, c’est un problème de souveraineté. La République centrafricaine, c’est un pays souverain. La République centrafricaine a décidé d’adopter la cryptomonnaie, c’est son droit le plus absolu. Mais la République centrafricaine fait partie d’une zone monétaire. Donc il est évident que les chefs d’État vont voir à ce que la seule monnaie qui a cours légal et pouvoir libératoire sur les six pays, c’est le franc CFA. Il appartient à un moment donné que la situation soit éclaircie au niveau des chefs d’État. Nous attendons la décision des chefs d’État.

Mais n’est-ce pas un problème tout de même, monsieur le président, qu’un des six pays ne respecte pas les règles communes ?

Jusqu’à présent, cela n’a posé aucun problème. Et je crois qu’aujourd’hui, le franc CFA continue de circuler à Bangui. Je reviens de Bangui et je n’ai pas vu de cryptomonnaie en circulation à Bangui.

Le président actuel de la conférence des chefs d’État de la Cemac, c’est le Camerounais Paul Biya. Selon la règle et selon l’ordre alphabétique, après le Cameroun vient la Centrafrique. Est-ce à dire que le prochain président de la conférence des chefs d’État de la Cemac, ce sera le Centrafricain Faustin-Archange Touadéra ?

C’est un problème qui sera débattu au niveau des chefs d’État. Je ne pense pas que ça pose problème que le président Touadéra soit le prochain président de la conférence des chefs d’État.

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