Mauritanie - 28 novembre - l’enfer d’inal
12eme extrait
« Le 27 dans l'après-midi~ des prisonniers sont choisis dans les hangars et sont marqués d'une croix avec un feutre bleu. Plus tard~ ils se voient attribuer des numéros allant de un à vingt-huit par le caporal Ould Demba. Quelques gradés, dont le capitaine Sidina, sont là. L'un des prisonniers, un sous-officier de la marine, portant le numéro onze, demande pourquoi on leur a attribué des numéros.
"C'est pour vous transférer ailleurs" lui répond le sergent chef Jemal Ould Moïlid. Le sergent Diallo Sileye Beye dit à lemal qu'il préfère rester avec ses amis les marins, étant lui-même un marin. Il est infirmier et a toujours occupé le poste de laborantin de la région, à cet effet, il est très connu dans la région aussi bien dans le milieu militaire que civil. Après une courte hésitation, Jemal dit de le retirer et de mettre quelqu'un d'autre à sa place. Un autre soldat est choisi, le deuxième classe Daillo Abdou Beye, le petit frère du premier. Les prisonniers numérotés sont mis à l'écart. Ils s'attendent à embarquer dans un camion pour une destination inconnue. Nous sommes à la veille du trentième anniversaire de l'indépendance de notre pays. En temps normal, on devrait être en train de se préparer pour le défilé au flambeau et pour celui de demain matin. De notre côté, nous attendons sans trop y croire, une éventuelle intervention du Président de la République pour au moins, être fixés sur les raisons officielles de notre présence ici. La Mauritanie aura trente ans demain, ce n'est pas un événement banal, nous sommes donc en droit d'espérer obtenir une solution favorable de la part de celui-là même qui est le principal responsable de nos malheurs. Alors que de leur côté nos tortionnaires nous préparent leur plus sale coup depuis la création de la Mauritanie.
Vers minuit, le groupe des prisonniers numérotés est placé devant le grand hangar, celui devant lequel j'ai été traîné par le camion. Khattra et d'autres soldats mettent en place des cordes, ils font un nœud avec l'un des bouts et
passent l'autre par-dessus le rail qui sert de support à la toiture, à l'entrée du hangar. Les officiers de la base passent, discutent un peu avec Jemal Ould Moïlid puis s'en vont. Ce dernier s'approche du sergent chef Diallo Abdoulaye Demba, le responsable de peloton du port de La Guerra, qui porte le numéro un et lui demande s'il désire quelque chose, comme il l'a vu faire dans les anciens films western. Diallo
lui demande du tabac, on lui passe une tabatière, il aspire goulûment la fumée comme pour conserver avec lui un dernier souffle d'énergie. Deux soldats l'encadrent et le
traînent vers l'une des cordes. Pendant que Khattra lui passe le nœud de la corde autour du cou, il tourne la tête vers le hangar comme pour solliciter de l'aide, la dernière image de la vie qu'il emportera avec lui sera ces sombres formes allongées ou assises étroitement ficelées et dont les yeux exorbités ne peuvent se détacher de lui. Avec l'aide d'un autre soldat, Khattra le hisse jusqu'à ce que ses pieds ne
touchent plus terre. Ensuite il attache le deuxième bout au rail. D'autres prisonniers suivent. Khattra est particulièrement excité, ils le sont tous d'ailleurs mais lui et Souleymane le sont encore plus. Non seulement ils seront tous pendus mais tout le monde doit regarder jusqu'à la fin, les bourreaux y tiennent. Mais il ne faut surtout pas manifester sa désapprobation. Entre deux pendaisons, Khattra s'assoit sur un cadavre pour siroter son verre de thé ou au pied d'un pendu en récitant des versets de Coran. Il va d'un pendu à l'autre, achevant ceux qui tardent à mourir à coups de barre de fer, s'appliquant à porter les coups dans la région du cou. » Mohamedou Sy, L’Enfer d’Inal, P119-121
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