PORTRAIT. L’apatride Harouna Sow a trouvé sa place en France grâce à la cuisine
Réfugié Mauritanien, Harouna Sow est aux commandes du Restaurant La Résidence. Son histoire et son parcours dans la cuisine sont un modèle d’intégration.
À 30 ans, Harouna Sow a déjà vécu mille vies. Aujourd’hui chef formateur du restaurant d’insertion La Résidence, ce passionné n’a pas toujours été dans la cuisine, loin de là. Il vient de Mauritanie, mais a grandi au Mali, avec sa mère. « Là-bas, je faisais l’école coranique et travaillais dans l’agriculture. J’élevais un troupeau de vingt vaches. »
En 2007, le président mauritanien appelle sa population à se faire recenser. Harouna retourne alors en Mauritanie avec ses oncles, mais rencontre des difficultés administratives. « Ils nous demandaient les actes de naissances des personnes de notre famille. C’était impossible à trouver, je ne les avais pas. »
La Mauritanie ne reconnaît pas la nationalité d’Harouna, qui se retrouve sans papiers.
Apatride, il vient chercher protection en France en décembre 2012, et obtient le statut de réfugié deux ans plus tard. Il découvre la cuisine au fil des stages d’insertion. « J’ai vu les chefs en cuisine, j’ai vu la discipline inculquée et je me suis rendu compte que c’était un univers qui me caractérisait. Aujourd’hui, c’est ma passion, ce qui guide mon quotidien. »
Une cuisine du cœur
Harouna obtient son CAP cuisine en 2014 au Pullman Paris tour Eiffel. Il enchaîne les expériences et se lance à son compte dans une activité traiteur. En parallèle, il participe plusieurs fois au Refugee Food Festival et fait la connaissance des organisateurs Marine Mandrila et Louis Martin, fondateurs de La Résidence. « Quand le coronavirus est arrivé, j’étais au chômage technique. Je voulais faire quelque chose d’utile pour mon pays d’accueil. Je me suis rapproché de Marine et Louis pour participer à l’aide alimentaire qu’ils mettaient en place. »
Fort de ses six années d’expérience dans la cuisine, Harouna forme et encadre des commis tous réfugiés.
Chaque jour, l’équipe prépare 200 repas pour les Restos du Cœur à partir de denrées alimentaires collectées par l’association. « Je viens d’une région dans le monde où des gens meurent de faim. Quand j’ai vu tous les invendus qui étaient récupérés, je ne pouvais pas rester sans rien faire. »
En 2013, à son arrivée en France, Harouna a lui même bénéficié de l’aide alimentaire pendant neuf mois. « Aujourd’hui j’arrive à payer mon repas. C’est à mon tour de renvoyer l’ascenseur. » Il sait tout le pouvoir qu’un bon plat chaud, fait avec le cœur, peut avoir. « Quand j’étais bénéficiaire, il me manquait quelque chose pour finir mon assiette… J’ai toujours cette image qui me revient à l’esprit. Du coup, quand je cuisine, j’y pense, j’y mets ma personnalité. »
Le chef propose une cuisine empreinte de ses origines, avec des plats en sauce, gorgés de saveurs. Il manie à merveille les produits comme le riz, le poisson, le poulet et les légumes. « Cuisiner, c’est prendre une casserole, allumer le feu… Mais cuisiner un repas pour être mangé, pour que la personne en garde un bon souvenir, c’est autre chose. »
« La France m’a beaucoup apporté »
En discutant avec Harouna, on découvre un homme accompli, fier de son parcours, qui semble avoir trouvé une stabilité, grâce à la cuisine. « J’ai eu beaucoup de difficultés à m’intégrer au début. Mais la restauration en France est très valorisée, très culturelle. Elle m’a permis de trouver ma place. »
Reconnaissant du soutien et de l’aide apportés par son pays d’accueil, Harouna se révèle profondément patriote. « Être réfugié, c’est avoir les mêmes droits et devoirs que n’importe quel citoyen français. Chaque matin, je me lève et me demande : qu’est-ce que je peux faire de bien pour la Nation ? J’essaye de rendre à la France ce qu’elle m’a donné. »
Source : Ouest-France