Mali : le principe de laïcité est-il en danger ?

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Principe de la laïcité au Mali

Faits d'actu  Au Mali, le projet de nouvelle constitution, présenté fin février, ne fait pas l’unanimité. Le principe de laïcité y est contesté par des associations musulmanes, qui demandent son retrait.
Ils exigent le retrait pur et simple du mot « laïcité » du projet de nouvelle constitution et son remplacement par « État multiconfessionnel ». L’active Ligue malienne des imams et érudits pour la solidarité islamique (Limama), qui regroupe plusieurs imams du pays, a appelé, le 7 mars, tous les « musulmans patriotes » à voter contre ce projet.

Le président du collectif des associations musulmanes du Mali, Mohamed Kimbiri, membre de la Limama et proche du très influent imam Mahmoud Dicko, ne cesse de pourfendre « la laïcité selon la mentalité française ». Il assure que la laïcité « n’est rien d’autre que le rejet de la religion ».« La réalité française et la réalité malienne sont différentes. Alors pourquoi allons-nous faire de notre constitution une copie conforme du modèle français ? C’est ce qui nous a beaucoup choqués », a-t-il affirmé.

La commission de finalisation du projet de constitution a pourtant pris soin d’ajouter un paragraphe indiquant que « la laïcité ne s’oppose pas à la religion et aux croyances », mais « vise à promouvoir et conforter le vivre-ensemble fondé sur la tolérance, le dialogue et la compréhension mutuelle ». En vain : la polémique a continué et les autorités de transition ont été obligées de sortir de leur mutisme.

La laïcité dans la Constitution depuis 1960


Le 10 mars, lors de l’annonce du report du référendum constitutionnel prévu le 19 mars, le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga, s’en est dit surpris car le principe de laïcité figure dans les constitutions du Mali depuis 1960.

Toutefois, la laïcité n’est pas contestée par toutes les organisations musulmanes. En effet, le Haut Conseil islamique, plus grande association musulmane du pays, assure qu’il militera, lui, en faveur de la nouvelle constitution. Il dénonce un débat politique, sans lien avec la religion.

Cherif Ousmane Madani Haïdara, influent responsable religieux et président du Haut Conseil, s’était d’ailleurs montré, dans une vidéo fin 2022, ouvert aux différentes religions et expliquait qu’il était nécessaire de laisser chacun, notamment les chrétiens, pratiquer son culte en paix. Il répondait sans le nommer à Mahi Ouattara, un imam très suivi sur les réseaux sociaux, tenant souvent des discours peu amènes à l’égard des autres religions.

La prise de position du Haut Conseil rassure les chrétiens, qui se font discrets dans ce débat. Un responsable de l’archevêché de Bamako, préférant l’anonymat, se réjouit que cette polémique autour du principe de laïcité demeure circonscrite aux cercles religieux et ne remette pas en cause la liberté de culte.

Un débat surtout politique


Toutefois, dans un pays qui, selon des données, est composé à 90 % de musulmans et qui reste sous la menace djihadiste, les acteurs religieux occupent une grande place. En 2013, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a été élu président de la République avec plus de 77 % des voix grâce au soutien de leaders religieux musulmans, dont Mahmoud Dicko. Depuis, les acteurs politiques les courtisent pour bénéficier du soutien de leurs fidèles, qui représentent une base électorale solide.

Cette polémique sur la laïcité illustre-t-elle une volonté de faire du Mali un pays islamique ? Selon un analyste, elle s’explique surtout par des raisons politiques et d’influence. Depuis le deuxième coup d’État de mai 2021 consacrant le colonel Assimi Goïta comme président de la transition, les leaders musulmans sont écartés et moins consultés.

Ce qui irrite notamment les membres de la Limama. Ces derniers ont dénoncé leur non-présence au sein de la commission de finalisation de la nouvelle constitution. Avant eux, c’était le Haut Conseil islamique qui s’était plaint de sa mise à l’écart du Conseil national de transition, organe législatif. « Ces appels du pied doivent être pris au sérieux, notamment avec l’exemple IBK, souligne l’analyste. Les religieux ont contribué à le faire élire, mais aussi à le faire tomber. »

Boubacar Sidiki Haidara (à Bamako, Mali)
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Un pays avec une large majorité musulmane
Selon les différentes estimations, la population malienne, qui compte un peu plus de 21 millions d’habitants, est à plus de 93 % musulmane. Les musulmans sont sunnites, dans leur immense majorité.

Ces dernières années, l’influence du wahhabisme est grandissante, notamment sous l’influence de l’imam Mahmoud Dicko, formé en Arabie saoudite.

Petite minorité, les chrétiens représentent environ 2,5 % de la population du pays, dont 1,7 % de catholiques. L’archevêque de Bamako, Mgr Jean Zerbo, est cardinal depuis 2017. Par ailleurs, 2,5 % des Maliens pratiquent les religions traditionnelles.


 

 

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