Réciter le coran en peul ou malinké: un crime?

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Réciter le Coran en peul ou en malinké: un crime?

Poser une telle question c'est déjà avouer que nous abordons un sujet sensible parce que malheureusement, nous vivons dans un univers où le rejet de l’interrogation est souvent érigé comme un rampart pour cacher l'ignorance de ceux qui prétendent connaître. 

Pour la plupart des musulmans, l’ignorance de la religion musulmane, de sa charpente et de sa sève religieuse pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs dont les plus éminents nous semblent être l’attitude des premiers interprétateurs, la peur d’une possible jungle d’interprétations, le désir de garder le monopole de la connaissance, l’analphabétisme et la non maîtrise de la langue originelle de l’islam par les populations africaines. Ces facteurs ont certainement fini par emprisonner l’islam et son interprétation dans un cadre interprétatif primaire et restrictif. Or, cette interprétation primaire, dans son contexte africain, avait pour objectif, d’éloigner l’Africain nouvellement converti, de la réalité religieuse et linguistique qui l’avait vu naître, l’avait façonné, avait guidé ses pas jusqu’ici et à laquelle il reste émotionnellement attaché. 

Depuis quelques jours, une vidéo circule sur l'internet dans laquelle on voit une foule, d'hommes et de femmes, prier en peul. Quelques mois plus tôt, c'était une autre vidéo qui montrait une scène presque similaire mais dans une langue qui serait le malinké. Même si nous ignorons les lieux où ces images ont été filmées ou les dates de capture, leur existence ne peut que susciter un intérêt intellectuel majeur. En effet, elles seraient les prières manifestations récentes, connues et visibles, d'un début de révolution linguistique au sein de l'univers islamique noir et africain. 

Bien sûr que les masses à convaincre sont encore énormes et le degré d'acculturation encore tristement profond. Mais de plus en plus, certaines populations et certains leaders religieux africains prennent conscience de la nécessite d'ériger un mur entre le véhicule linguistique originel et le message de la religion. Cet élan réformiste ou progressiste n'est pas un défi propre et exclusif à l'islam et aux défenseurs du puritanisme islamique originel. Les autres religions dites modernes n'ont pas échappé à ce sort même si leur bond linguistique a eu lieu des siècles plus tôt. 

Presque partout, au départ, certains ont pris la langue de leur prophète comme étant la langue de la Divinité et de la religion. Voilà la racine du mal. En "humanisant" la Divinité, consciemment ou pas, mais très souvent consciemment, les interprétations ont donné un cachet religieux à des aspirations terrestres, humaines et égoïstes. 

Les premières populations à embrasser l'islam n’ont jamais voulu accepter l’existence d’une ligne de démarcation entre la religion de l’islam et la langue arabe. Elles ont partout voulu user de l’argument religieux pour faire avancer un agenda idéologique et linguistique qui en fait n’avait rien d’islamique. Aujourd'hui, l'argument religieux est renforcé et peut-être même remplacé par un complexe linguistique nègre. 

Progressivement, on fit de l’arabe, la langue du Prophète de l’islam (PSL) et du contenu du Livre saint, un outil de domination des masses noires. On a voulu prendre le contenant originel comme étant inamovible. Et toute tentative de substitution du contenant a été vite interprétée comme étant une déviation du contenu, une menace au message. Leur argument fallacieux est simple; en canalisant les interprétations, on "sauvegarde" le message originel. En réalité, la véritable raison de cette résistance,  de cette obstination, est à chercher dans la volonté de maintenir le pont linguistique créé entre l'islam et la langue arabe.   

Mais cette peur, réelle ou imaginaire, de l'interprétation on ne peut la comprendre sans remonter au début de l’islamisation du continent noir. L'islam présenté aux Africains n'est pas simplement une religion, c'est aussi une langue et une culture. C'est à ce niveau qu'on comprend l'élan de pyramidisation des langues. En effet, lorsque l’islam a franchi l’Arabie pour la terre de Fari, les populations arabes, semi-arabes et berbères arabisées ayant embrassé la nouvelle religion ont trouvé dans cet imbroglio linguistico-religieux une raison de plus pour promouvoir la langue arabe au détriment des langues africaines. On assista alors à une interprétation mono-linguistique du message divin. C'est alors le début de la fossilisation linguistique du message divin.  

Mais il faut rappeler ici que lorsqu’un prophète est choisi parmi un peuple, c’est d’abord pour s’adresser à ce peuple à travers sa langue. La langue de ce prophète doit donc forcément être la langue de rédaction de son message. Historiquement et chronologiquement, la langue arabe a précédé l’islam. Et puisque le Prophète de l’islam (PSL) était un Arabe, la logique voudrait que son message soit en arabe ; l’écriture originelle de cette religion aussi. Cela ne voulait nullement signifier que la langue arabe était supérieure aux autres langues. 

En fait, dans l’histoire de l’humanité, le Prophète de l’islam (PSL) est le seul à utiliser l’arabe pour véhiculer son message ; les autres avant lui ont utilisé d’autres langues pour véhiculer le message divin et s’adresser à leurs peuples. Donc, le message des autres prophètes de l’humanité a obéi à cette même règle et à ces mêmes normes. Il ne pouvait en être autrement. En effet, comment voudriez-vous envoyer un prophète hébreu chez des Peuls pour s’adresser à eux en hébreu et espérer l’adhésion en masse des descendants d’Ilo Yaladi ? 

Pour ce qui est de l’islam, le choix de l’arabe comme véhicule de communication répond simplement à cette logique historique et linguistique. Tous les prophètes de l’humanité ont reçu leur message dans leur langue maternelle pour s’adresser d’abord à leur peuple. Mais lorsque le message divin atteint l’universalité souhaitée, la langue du message originel devient secondaire par rapport au contenu du message. De ce fait, une xutba en arabe n’est pas supérieure à une xutba en français ou en anglais. Un verset lu en arabe ou en peul ne changerait rien du tout au message véhiculé. 

Si nous acceptons que tous les humains sont nés égaux, qu'ils sont tous des créatures de la même Divinité et que toutes les langues sont égales, alors le choix de la langue de lecture du Coran ne doit point poser de problèmes. Rejeter le choix d'une langue autre que l'arabe, c'est remettre en cause le fondement même de l'islam. 

Pour rappel, le Dieu de l’islam n’utilise pas le prisme de nos stratifications sociales ou linguistiques pour primer, réprimer ou supprimer. Et Il n’opère point de stratification linguistique sélective. 

Dr Siikam Sy

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